Les chercheurs en économie ont prouvé depuis très longtemps que les tarifs de douane constituaient une tromperie pour les consommateurs et un danger pour les industries. Pourtant, ces impositions demeurent en place, comme inamovibles. Au cours d’un séminaire la semaine dernière, un intervenant nous a exposé les enjeux et les raisons de leur survivance. Pour commencer, un montant de douane qui s’attache à une marchandise particulière ménage une industrie définie. Industries et dirigeants d’un même domaine s’accordent avec facilité pour exercer des pressions politiques soutenues. Ils s’accordent en effet facilement sur le fait que la question est prépondérante pour leur réussite. Et la solution est d’autant plus intéressante pour eux qu’ils n’auront pas à payer la note. Car, à compter de l’instant où un droit de douane est déterminé, son coût, qui se traduit par une majoration du coût pour la clientèle, est supporté par un groupe de gens beaucoup plus grand, qui a évidemment plus de mal à se concerter de la même manière : le peuple. Et les hommes politiques sont naturellement plus à l’écoute des lobbies qui élèvent la voix pour maintenir les tarifs douaniers : comme ils sont implantés dans des communes et des régions, leur vote peut avoir un impact significatif sur les prochaines élections. Aussi, pourquoi la contribution de l’État est-elle sous forme de droits de douane ? Des subventions ne seraient-elles pas plus adaptées ? Voire. Si l’industrie automobile en France peine face aux importations japonaises, il apparaît toujours plus facile de sanctionner directement le Japon en augmentant ses prix. Avec des subventions, l’administration devrait passer par les impôts pour récolter les fonds nécessaires. Et cela jouerait là aussi sur les prochaines élections. Dans bien des cas, un droit de douane est plus facile à mettre en place politiquement: il semble non seulement frapper les producteurs étrangers, mais il semble aussi consolider les recettes de l’État (alors qu’une subvention paraît quant à elle les atrophier). Et si nous savons qu’un tarif douanier touche résolument les clients en élevant le prix local du bien concerné, l’État exploite malgré tout les droits de douane car ceux-ci sont des impôts plus discrets et donc moins impopulaires. Même si, au final, ils pèsent très lourd dans le coût de la vie en France ! Retrouvez toutes les infos sur l’organisation de séminaire à Barcelone en suivant le lien.
Mois : mai 2018
Un secteur encore à l’ère de l’impunité
Les faiblesses de la régulation en matière de numérique ont plusieurs fois été évoquées au cours du séminaire. L’histoire des risques technologiques, étudiée par Jean-Baptiste Fressoz, historien des sciences au CNRS, nous enseigne que ce sont les controverses sociales provoquées par les accidents dus à l’introduction des machines à vapeur et de l’éclairage au gaz qui ont donné naissance aux grands principes de régulation (autorisation administrative préalable, normalisation des dispositifs techniques et compensation des victimes en cas de dommage). Appliquer ces principes au secteur numérique pour prévenir les bugs informatiques et les failles de sécurité serait déjà un grand pas, recommandé par Gérard Berry, professeur au Collège de France. L’absence d’analyse sociale des risques et des responsabilités dans un monde numérique accroît les probabilités d’une prise de contrôle inappropriée par une entreprise ou un État, d’une instrumentalisation et d’une utilisation non souhaitée ou non souhaitable des données amassées par les machines. La réponse a posteriori ne suffit pas. Ainsi, la loi Hadopi est venue réguler la pratique du téléchargement au moment où celle-ci disparaissait au profit du streaming. D’après Daniel Le Métayer, directeur de recherche au centre de recherche Inria Grenoble Rhône-Alpes à Lyon, la transparence doit être pensée dès la conception du service par ceux qui traitent les données personnelles (privacy by design). Pour Laurence Devillers, c’est aussi en amont qu’il faudrait définir l’autonomie et les capacités décisionnelles des robots en assurant la transparence des données collectées et des algorithmes utilisés.